| Ante scriptum à l'attention de Nonor : je ne le prendrai pas mal si tu ne réponds pas au post suivant, voire si tu décides carrément de ne pas le lire ! À moi aussi il m'est déjà arrivé de quitter totalement un débat, au point de ne même plus lire les posts. Ce que je peux simplement te dire c'est que ce post est garanti sans attaque ad hominem ou autre chose dans le genre. (ce qui est la moindre des choses, j'en ai conscience ^^)
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Nonor, considères-tu que notre débat sur Skype mardi soir nous a permis d'avancer ? Voici comment je comprends ton point de vue (je lirai et répondrai à tes posts après) :
Tu souhaites que les humains soient le plus heureux possible, sans discrimination entre eux. Tu souhaites également que les animaux non humains soient le plus heureux possible, mais que le bonheur des humains passe avant dans une certaine mesure. Par exemple tu es d'accord pour payer la viande un peu plus chère si cela permet d'améliorer la vie des animaux d'élevages, mais tu n'es pas d'accord pour te passer totalement de viande, et ce quelque soit la souffrance subie par les animaux d'élevages.
Ma réponse à cela : c'est une morale valable, mais pas plus (ni moins) qu'une autre. C'est à dire que tu ne peux pas me convaincre de la préférer à un autre. Il y a des gens qui choisissent de ne pratiquer aucune discrimination entre les êtres sentients (comme moi, dans la théorie), d'autres qui choisissent de faire passer leurs intérêts systématiquement avant celui de n'importe quel être sentient, humains inclus. Et ces deux catégories de gens n'ont pas moins "raison" que toi.
J'ajoute une chose : je ne saisis pas sur quoi tu te bases lorsque tu estimes que certains sacrifices pratiqués par les humains en faveur des animaux sont la chose à faire, mais que d'autres non. Par exemple tu dis que tu es prêt à payer plus chère ta viande si cela peut améliorer le sort des animaux d'élevages, mais que les gens qui ne peuvent pas le faire ont malgré tout le droit de manger de la viande, à bas prix donc, quelques soient les conséquences de ce prix bas pour les animaux. Est-ce pour toi une question de survie ? Si nous arrivons à te convaincre que l'on peut-être en parfaite santé sans manger de viande, es-tu d'accord pour que le prix de la viande soit plus élevé, et tant pis pour ceux qui seront trop pauvres pour en acheter ?
Autre chose : comme je l'ai dit, tu as le droit d'être plus ou moins égoïste vis-à-vis des animaux non humains (et ici je n'emploie pas le terme "égoïste" dans un sens péjoratif). Par contre, selon moi, cette morale t'amène à recevoir un traitement différent de si tu étais utilitariste. En effet, tu choisis délibérément d'être égoïste envers une catégorie d'êtres sentients, sans autre raison objective que le fait que c'est ton droit (et ça l'est, ça je ne le remets pas en question - note : quand j'emploie le terme "objectif" j'entends par là "qui n'est pas juste une question de choix personnel"). Ainsi, tu n'es pas en position de te plaindre si un jour un être sentient est égoïste envers toi. Ce pourra-t-être moi, puisque ma morale est la suivante : je souhaite que tous les êtres sentients soient le plus heureux possible (sans discrimination basée sur la biologie), sauf ceux qui ont les moyens cognitifs d'être le plus utilitariste possible mais qui choisissent délibérément de discriminer (un peu ou beaucoup) une part des êtres sentients. De mon côté je suis légitime à demander d'être respecté par les autres utilitaristes. Une manière simple de résumer tout ceci est de dire que c'est "donnant-donnant" (c'est logique, non ?). Et que les animaux non humains sont exemptés de "donner" puisqu'ils n'en ont pas les capacités (de même pour les humains ayant des capacités limitées : bébés, handicapés mentaux, personnes démentes...).
Une dernière chose. Dans le paragraphe ci-dessus je dis que la seule raison objective en faveur de ta morale est que c'est ton droit de l'avoir. Je crois savoir que tu penses avoir d'autres arguments objectifs. J'en vois deux, voici ce que j'en ai compris et ma réponse.
- Tu dis que ne pas appliquer l'utilitarisme à l'ensemble des êtres sentients est une question de survie pour l'espèce humaine. C'est faux (ça signifie juste une certaine réduction du niveau de vie des humains), mais quand bien même ça aurait été vrai : il te reste à démontrer que la lutte pour notre survie au détriment de celle d'autres espèces est un droit objectif. S'il fallait sacrifier une partie de l'espèce humaine pour assurer la survie du reste des humains, je ne pense pas que tu voudrais qu'on sacrifie en priorité ceux qui ne te ressemblent pas (les noirs, les femmes, les homosexuels...). Mais lorsqu'il s'agit de sacrifier une partie des êtres sentients, tu demandes à ce que les humains soient sacrifiés en dernier. Est-ce cohérent ?
- Tu dis que la raison pour laquelle il est de notre devoir d'accorder à tous les êtres humains les mêmes droits est qu'ils sont tous en capacités de comprendre et respecter des contrats sociaux. Sauf que : ce n'est pas parce qu'une chose est possible que cette chose doit être faite absolument réalisée. Oui, on peut créer une société dans laquelle tous les humains ont les mêmes droits et devoir (si on met de côité les bébés, handicapés mentaux, personnes démentes...), mais ça ne dit pas pourquoi une telle société est souhaitable.
Citation: Oui c'est pour moi une conséquence du contrat social, et je suis d'accord pour considérer celui-ci comme un moyen et non une fin. La fin étant une société juste et équitable. |
Très bien, là-dessus nous sommes d'accord. À noter que pour ma part le contrat social est un moyen à associer à d'autres moyens. De plus, il nous reste à définir ce qu'on entend par "société". J'inclus les animaux non humains dans la définition de ce concept, toi non.
Citation: Ben, je pense pas que mettre à égalité tous les humains compromette l'avenir de la société humaine. |
Mais imaginons que ce soit le cas. Cf. ce que je dis plus haut dans ce post : "S'il fallait sacrifier une partie de l'espèce humaine [...]".
Citation: Tu as déjà évoqué le fait qu'on pourrait mettre les insectes de côté car leur sentience ne serait pas prouvée mais je ne suis pas certain que tu puisses mettre tous les insectes de côté, les fourmis par exemple elles m'ont l'air plutôt très sentientes. |
Je n'ai pas de raison de penser que la sentience est quelque chose de binaire. Je pense que les fourmis expérimentent le fait de vivre d'une manière moins forte, moins réelle, que nous. Je pense qu'on peut comparer ça à ce que l'on expérimente quand on se réveille lentement : il s'agit d'une phase où nous expérimentons de plus en plus fortement (non binarité) le fait d'être conscient de la réalité. Pour se convaincre de cette non binarité, on peut également se demander ce qu'il se passe pour un bébé dans le ventre de sa mère : il me semble assez irréaliste que l'embryon/fœtus obtienne soudainement, à un instant T, une conscience d'un niveau égal au nôtre. De plus, jusqu'à preuve du contraire, notre conscience est le fruit du matériel cérébral présent dans notre corps. Le matériel des fourmis est très limité. De la même façon, un ordinateur personnel lambda actuel n'a pas de conscience (ou à un niveau extrêmement proche du zéro), mais un ordinateur très complexe pourrait reproduire un cerveau humain et la conscience qui va avec, au même niveau que celle des humains. Et entre les deux exemples que je viens de donner il peut exister une infinité d'ordinateurs dotés de consciences de niveaux plus ou moins élevés.
Citation: (puisque considérer les animaux à égalité signifie arrêter l'exploitation animale) |
Dans la pratique probablement, dans la théorie pas forcément. Tant qu'un animal non humain ne souffre pas, et que les membres de son groupe ne souffrent pas de sa disparition, on peut exploiter un animal non humain. Il s'agit de respecter les intérêts des animaux non humains autant que nous voulons voir respectés ceux des humains. Et non de traiter les animaux non humains exactement de la même manière que l'on traite les humains (ça n'aurait aucun sens).
Citation: En termes d'alimentation, un régime équilibré sans viande est déjà compliqué. Mais un régime équilibré végane [...] c'est encore plus compliqué. Si j'ai bien compris malgré un équilibrisme remarquable il faudra quand même compléter avec de la vitamine B12. |
(avaler un comprimé de B12 une fois par semaine n'a rien de compliqué ^^ - pour le reste je te renvoie aux messages des autres).
Citation: On en revient à ce que je disais: d'abord régler le problème de la pauvreté. Que chacun mange sainement et à sa faim. Ensuite on verra pour se passer des animaux. |
Ce que tu dis au sujet de la complexité à manger végétalien, au sujet du prix des aliments sans POA,... est faux, mais quand bien même ce serait vrai, tu comprends bien que ce ne serait pas des arguments suffisant à nos yeux. Dès lors que l'on considère que les animaux non humains ont autant que les humains le droit au respect de leurs intérêts, ça n'a plus de sens dire que la pauvreté de certains humains passe avant le droit des animaux non humains à ne pas souffrir physiquement.
Citation: En fait c'est simplement du fait d'un droit équivalent des deux côtés: chacun a le droit à sa survie. |
Bon bin cf. ce que je dis plus haut. On a le droit d'avoir une morale égoïste (au sens non péjoratif du terme) et donc de faire passer sa survie systématiquement avant celle d'autrui. Tout comme on a le droit d'être utilitariste et de privilégier la survie de l'individu (ou du groupe d'individus) en fonction de ce qui causera le moins de souffrance à l'ensemble des êtres sentients. Es-tu d'accord pour dire que tu n'as pas d'argument objectif pour me convaincre que privilégier sa survie avant celle d'autrui est un droit à respecter à tout prix ?
Citation: C'est le plus fort qui gagne. C'est vache mais je vois pas mieux comme solution. |
Tu prônes donc une société en grande partie basée sur la chance. Si tu né humain tu as la chance d'être dans le camp des plus forts. Si tu né animal non humain dommage pour toi. Laisser la chance décider du sort des individus est une chose particulièrement injuste. On ne pourra jamais supprimer totalement les inégalités (si je suis un humain mâle je ne pourrai jamais enfanter ni voler dans le ciel) mais une société qui se dit juste a le devoir de réduire le plus possible les inégalités liées au fait de naître avec tel ou tel corps.
Citation: Je pense qu'il y a une limite dans la société humaine: si tu sais que ça peut arriver, tu ne peux plus élaborer de projet, tu crées une société de peur, donc ce n'est pas viable. Mais je ne pense pas qu'il y ait un tel problème avec les animaux. Peut-être qu'il faudrait simplement veiller à abattre les animaux par famille ou quelque chose de ce genre, les anesthésier/endormir avant. |
Je suis d'accord. Le problème c'est qu'élever des animaux et les abattre sans les faire souffrir c'est au pire impossible, au mieux extrêmement cher, or tu n'es pas d'accord avec l'idée de priver les gens pauvres d'acheter des POA.
Citation: Je pense qu'on peut quand même rappeler aussi que le monde des animaux c'est un monde assez infernal (en tous cas les animaux sauvages), c'est pas un choix entre se faire tuer par l'homme ou vivre à la cool dans la forêt. |
Les animaux sont cruels car les animaux n'ont pas les capacités cognitives de ne pas l'être, il sont donc exemptés d'avoir un bon comportement à ce niveau-là. Nous non.
Citation: A vrai dire je crois que je préfère me faire tuer d'une balle par un chasseur que dévorer vivant par un prédateur... Ça ne justifie pas le fait de tuer gratuitement un animal mais je pense que ce ne serait pas honnête de ne pas faire peser ça dans la balance. |
Un animal abattu par un chasseur est un animal qui aurait pu mourir de manière plus douloureuse en effet, mais aussi de manière plus douce. Tous les animaux sauvages ne finissent pas forcément dans les crocs d'un prédateur. Il y a ceux qui sont au sommet de la chaîne alimentaire, déjà, mais aussi tous ceux qui meurent de faiblesse (vieillesse > fatigue > mourir d'épuisement dans son sommeil).
Citation: Et puis bon en général ça finit mal. |
Je dirais que sur le forum c'est moi qui ai tendance à manquer de respect, et qu'IRL et sur Skype les rôles sont un peu inversés. ^^ (tu as tendance à t'énerver !)
Citation: Effectivement on considère les enfants comme [...] plus ou moins irresponsables [...] ça fait partie des raisons pour lesquelles on leur refuse le droit de vote |
Tout à fait. Mais considère-t-on pour autant que leurs intérêts doivent passer après ceux des adultes ? Et vois-tu où je veux en venir en posant cette question rhétorique ?
Citation: Un autre raisonnement pourrait même être : la personne est plus vulnérable, elle a donc plus de droits (aide de l'état, droit à des jugements moins sévère).
Et donc donner de forts droits de protection aux animaux justement car ils sont plus vulnérables. |
Voilà. Par exemple, les humains déments ne sont pas exclus de la société (alors même qu'ils sont inaptes au contrat social), ils sont même aidés, y compris ceux qui ont commis des meurtres à cause de leur démence. Pourquoi traiter les animaux non humains différemment ? Nonor, concernant l'égalité de bientraitance entre humains et animaux non humains, le cas des personnes handicapées ou démentes ne remet-il pas l'ensemble de tes arguments en question ?
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