❤ 6Cornemuse Crystal Zam Nemau Alkanédon Skoomoh Bellum C'est bon ? Tu as terminé ton morceau de musique ? Tu es content ? Eh bien non, tu n'as pas terminé. Il y a plein de choses qui ne vont pas. En fait, il n'y a rien qui va. Recommence tout. Une minute de musique, c'est une heure de composition puis une semaine de bidouillage. Allez, zou, au boulot !
Ci-dessous, une "checklist" du compositeur. C'est pour moi-même, mais aussi pour vous. Ce sont des points auxquels on oublie parfois de penser, et qui dégradent la qualité du morceau. Ce sont des choses aussi qu'on apprend avec l'expérience, qu'on ignore totalement quand on débute. Pendant la composition, ou après la composition, vérifier la checklist, et retravailler le morceau jusqu'à ce que tous les points aient été pris en compte (ou ignorés sciemment). Chaque aspect doit être un choix conscient.
Le but de la checklist n'est pas d'expliquer ces concepts musicaux aux débutants, c'est vraiment juste une checklist, pour s'assurer qu'on n'a rien oublié. N'hésitez pas à creuser par vous-mêmes les concepts évoqués si vous ne les connaissez pas, sur Wikipédia, Youtube, ou dans nos autres tutoriels sur Oniromancie.
Mode et gamme
- Est-ce que la gamme et le mode du morceau ont été choisi sciemment en fonction du rôle du morceau ? Ne pas choisir le mode majeur ou le mode mineur sans réfléchir. Chaque gamme/mode dégage une ambiance particulière. Il y a plein de gammes et modes : modes diatoniques (lydien, ionien/majeur, myxolydien, dorien, éolien/mineur, phrygien, locrien), mineur harmonique, blues, gamme par tons, gamme demi-ton - ton, gammes pentatoniques (hirajoshi, kumoï, iwato...), maqâm, raga...
Rythme
- Ne pas choisir bêtement du 4/4.
Un rythme ternaire c'est bien aussi, ça peut suggérer une cyclicité, ou le mouvement des vagues.
Quid d'un rythme impair : 5/4 ? 7/8 ? Peut suggérer le déboussolement du héros/joueur, la bizarrerie d'un lieu/personnage.
Quid d'un rythme accidenté (idéal pour musicaliser un moment d'action) : 3/8 + 3/8 + 2/8 ?
C'est quand la dernière fois que tu as écrit un triolet ? Espèce d'andouille !
Modulations, accords empruntés
- Est-ce que la musique a besoin d'être émouvante pour accompagner une cinématique / un texte ? Auquel cas utiliser des modulations (vers les dièses pour un évènement heureux ; vers les bémols pour un évènement tragique) ou des accords empruntés à d'autres tonalités.
Nature des accords
- Ne pas utiliser bêtement des triades (accords) mineures et majeures tout le temps. Il y a plein de types d'accords (pleinement diminué, demi-diminué, augmenté, ikisugi, power chord, majeur septième majeure, majeur septième mineure (dominante), mineur septième mineure, mineur septième majeure (minmaj), neuvième, onzième, onzième dièse, treizième, lydien, sixte napolitaine, tierce picarde, suspendu 4, suspendu 2, septième de dominante bémol 5 bémol 9...).
- Ne pas utiliser trop de types d'accords différents dans le morceau. Choisir quelques sortes d'accords et s'y tenir, pour que l'ambiance du morceau reste cohérente. La cohérence est plus importante pour un morceau d'ambiance que pour un morceau cinématique.
- C'est quoi l'avant-dernier accord de ta section ? Un accord de septième de dominante n'est-ce pas ? Que dirais-tu d'un suspendu 4, d'un accord augmenté, ou d'une substitution tritonique à la place ?
Renversements d'accords
- Ne pas mettre bêtement tous les accords au premier renversement (tonique en bas). On peut fonder un accord en tierce, c'est plutôt stable. On peut fonder un accord en quinte, c'est plutôt instable mais ça peut avoir son utilité. On peut aussi fonder un accord en 7e, 9e etc.
Comment choisir le renversement ? Premièrement, écouter si le niveau de stabilité/instabilité du renversement sied dans le morceau (une fin de phrase est stable, un milieu de phrase est instable). Deuxièmement, c'est le "voice leading" qui peut déterminer les renversements tout simplement. C'est-à-dire que chaque ligne musicale doit être jolie à écouter indépendamment des autres (contrepoint), et pas servir seulement à harmoniser la mélodie principale. C'est si beau quand la basse chante.
Accord ouvert / accord fermé
- Au piano, les accords sont fermés (notes rapprochées) pour qu'on puisse les jouer avec deux mains, mais il ne faut pas fermer ses accords systématiquement, surtout quand on écrit pour autre chose que le piano. Les cordes peuvent jouer des accords très ouverts, pour donner un caractère aéré, éthéré, léger.
- Attention à ne pas utiliser d'accords fermés dans les graves, ça fait tout de suite très très boueux. Les notes proches, plus c'est dans les aigus, plus ça passe.
Richesse des accords
- Attention à ne pas mettre toutes les harmoniques d'un accord systématiquement. Ne pas surcharger l'accord. Mettre le strict minimum d'harmoniques pour avoir la sonorité voulue. A fortiori sur les violons, qui ont déjà un timbre très riche.
La quinte peut parfois être omise (notamment dans les accords jazz au piano), elle est neutre, n'apporte pas de couleur à l'accord.
Ne pas multiplier les tierces lors de l'harmonisation, a fortiori dans les graves. On peut mettre plein de toniques sur un accord joué par l'orchestre, mais pas plein de tierces. Idem pour les septièmes.
Rythme harmonique
- À quelle fréquence on change d'accord ? Le changement d'accord, ça n'est pas forcément à chaque mesure. Ça peut être : un accord par mesure, mais deux accords dans la quatrième mesure ; ou bien un accord pour deux mesures ; ou encore un accord à chaque temps. Irrégularité : chaque accord n'est pas forcé de durer aussi longtemps que les autres. Globalement, quand les accords changent souvent, ça donne un côté énervé à la musique, tandis que changer d'accord rarement donne un côté calme/chill. Qu'est-ce qu'on souhaite pour ce morceau ?
Instruments
- Est-ce que les instruments ont un rapport avec le personnage/lieu/moment à musicaliser ?
Ne pas mettre du piano bêtement partout. C'est quand la dernière fois que tu as composé pour mandoline ?
Ne pas mettre des percussions martiales et des cuivres partout #HansZimmer. C'est quand la dernière fois que tu as écrit une ligne de hautbois ?
Dynamique
- De fortissimo à pianissimo, un instrument ne joue pas toujours avec la même intensité. Surtout pour les musiques cinématiques (un morceau d'ambiance n'a pas forcément besoin de variations de dynamiques).
Ornements/fioritures, articulations
- Ça peut donner plus de personnalité à la musique, la rendre moins plate. Attention à ne pas en abuser non plus.
Fioritures baroques (trille, mordant, appogiature, grupetto...) pour la musique baroque, par exemple pour musicaliser un manoir de riche bourgeois.
- Certains instruments nécessitent des fioritures propres. On ne peut pas se contenter de distribuer les lignes musicales neutres aux instruments sans les modifier en fonction. Appogiature : une flute ça ne fait pas tout le temps tuuuuuut. Ça fait aussi pluit' ! L'appogiature va bien aussi sur un koto, une harpe, une guitare, une trompette... L'arpège va bien sur une harpe, une guitare, un piano. Trémolo (roulement) sur un xylophone. Fioritures baroques sur un clavecin.
Pour les cordes : staccato, tenuto, marcato, vibrato, pizzicato. Pour une musique calme, on passera la contrebasse en pizzicato alors que les autres cordes frottent.
- On peut aussi automatiser le "pitch bend" pour mimer des articulations/trémolos sur une flute ou un violon.
Richesse de l'orchestration
- Parfois, on a tendance à en mettre trop, c'est trop dense, trop touffu, c'est la cacophonie. Cela peut arriver quand on a une approche par empilement successif de couches. Il faut alors défricher, faire de la place pour ce qui est vraiment important à tel moment du morceau, taire certaines lignes.
De façon préventive, essayer d'avoir une approche minimaliste.
Une autre approche pour remédier au problème : plutôt que de dire deux choses en même temps, dire l'une puis l'autre.
Encore une autre solution : ne pas faire parler deux instruments à la même hauteur. Transposer l'un des deux une octave plus haut ou plus bas pour les distinguer mieux.
Doublement
- Est-ce que la mélodie joue une note seule, ou bien par accords ? Dans ce second cas, attention à ne pas créer trop de parallélismes (bêtement plaquer les accords sur la mélodie) : varier les mouvements d'écartement et de rapprochement.
- Est-ce que la mélodie est doublée à l'octave ? On peut doubler un violon à l'octave supérieure par un violon (pour faire mieux entendre la mélodie), à l'octave inférieure par un violoncelle (pour mieux marier les cordes), à l'unisson par une flute (pour des raisons de timbre).
Entremêlement, empilement
- Pour rendre un groupe d'instruments (typiquement les bois ou les cordes frottées) homogène et univoque, entremêler les lignes : flute + clarinette + flute + clarinette, ou bien doubler la ligne de violon au violoncelle à l'octave inférieure, etc.
- Pour rendre les voix distinctes, empiler normalement les instruments dans l'ordre de leur tessiture : flute + hautbois + clarinette + basson.
Répétitivité et nouveauté
- Ne pas être trop répétitif. On peut répéter une phrase/section deux fois de suite, mais après il faut apporter de la nouveauté avec une nouvelle section/nouvelle phrase. Il y a d'autres façons d'ajouter de la nouveauté : variation ( = déformer la phrase), ajouter un instrument "déco" en plus, faire jouer la section/phrase par d'autres instruments, doubler la mélodie (en la jouant par accords, ou bien enrichie du timbre d'autres instruments), changer le remplissage (deux-trois instruments solo VS tout l'orchestre), moduler la section/phrase vers une autre tonalité, changer le tempo, changer le rythme (de 4 temps vers 3 temps), jouer plus haut ou plus bas, ...
Vélocité
- Régler soigneusement, note par note, la vélocité des lignes musicales, sinon le morceau sonnera mécanique, peu réaliste. Quelles vélocités attribuer ?
Si on ne sait pas, une règle de base est de mettre une grande vélocité sur les temps forts et une faible vélocité sur les temps faibles. Sur une mesure à quatre temps, l'importance des temps sera souvent la suivante : 1 3 2 4, et donc la vélocité respective sera : forte, moyen-faible, moyen-forte, faible. Sur une mesure à trois temps, on aura peut-être, dans cet ordre, les vélocités respectives : forte, faible, moyenne.
Ensuite, écouter le morceau, et ajuster les vélocités selon l'éventuel comportement incongru des instruments.
Attaque
- Certains instruments peuvent avoir une attaque lente (la puissance met du temps à arriver), par exemple un tas de violons tout mous. Mélangés avec d'autres instruments à l'attaque instantanée, cela peut donner une impression d'asynchronie. Dans ce cas, retarder très légèrement tous les instruments à attaque courte afin d'aligner les battements ressentis.
Stéréo
- Utiliser pleinement la stéréo. Ne pas mettre bêtement tous les instruments au milieu.
Respecter la disposition habituelle de l'orchestre (violons à gauche, tubas à droite) ? Ou pas (basses venant des deux côtés pour entourer l'auditeur) ?
- Equilibrer le morceau : à tout moment, il y a certains instruments à gauche, d'autres à droite. Si à un moment donné du morceau, tous les instruments sont situés d'un seul côté, ça n'est pas forcément agréable.
- Dialogue : un instrument à gauche peut répondre à un instrument à droite, et ainsi de suite.
- Un instrument peut éventuellement se promener de droite à gauche pour tournoyer autour de l'auditeur.
Distorsion
- Un peu mais pas trop.
- Un peu de distorsion sur certains instruments au timbre trop timide pour le rôle qu'ils jouent ici. Sur la contrebasse ?
Réverbération
- Un peu mais pas trop.
- Adapter au lieu fictif à musicaliser : cathédrale ? grotte ? chambre d'étudiant ? Chaque lieu a une acoustique propre.
- Quid d'un effet d'écho sur un instrument ? (clochettes, steel drum...)
Filtres
- Ne pas oublier de filtrer les instruments graves (kick drum, contrebasse, basse...) dans les aigus (passe-bas), les instruments médians dans les aigus et les graves (passe-bande) et les instruments aigus (violon, flute...) dans les graves (passe-haut). Sinon des harmoniques indésirables viennent parasiter les autres instruments, rendant le mix boueux.
Volume
- Bien régler le volume des différents instruments, pour qu'ils soient tous audibles, pour qu'il n'y en ait pas un qui dépasse trop des autres. Ça peut être difficile à estimer. Une astuce consiste à inverser son casque (gauche à droite, droite à gauche) pour écouter son morceau avec une nouvelle oreille. Une autre astuce consiste à oublier son morceau, en l'écoutant le lendemain, ou bien en écoutant d'autres morceaux qui n'ont rien à voir entre temps.
Compresseurs
- Un peu mais pas trop.
- Un compresseur peut aider à dompter le volume d'un instrument qui a tendance à monter trop haut, afin d'éviter un écrêtage global.
- Un compresseur peut rendre le son d'un instrument plus "plein", plus "punchy", plus "confiant".
- Un compresseur multibande peut aider à rendre les instruments plus distincts, en supprimant des fréquences qui interfèrent négativement. Mais essayez de régler les volumes le plus correctement possible d'abord. Le compresseur multibande ne pourra pas corriger des volumes à votre place.
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